Pour réduire le nombre de déchets électroniques et électriques, l'un des premiers leviers existants est le développement de la réparation de ces produits à des coûts raisonnables, afin de prolonger leur durée de vie. Mais que ce soit pour un téléviseur, un téléphone portable, une cafetière, un réfrigérateur, des enceintes ou une chaudière, rien (enfin presque) n'oblige les vendeurs à préciser aux consommateurs si les appareils vendus peuvent être réparés grâce à des pièces détachées disponibles dans la même enseigne ou chez un réparateur.
Censé lutter contre l'obsolescence programmée des appareils électriques et électroniques, l'article L 111-3 de la loi de consommation aurait dû permettre aux consommateurs d'obtenir plus d'informations avant l'achat d'un produit en magasin. Soumis à cet article et à son décret d'application publié en décembre 2014, les fabricants doivent indiquer aux vendeurs si les produits intègrent des composants pouvant être réparés ou changés, s'il existe des pièces détachées et la durée durant laquelle celles-ci seront disponibles sur le marché. Ces informations devraient être ensuite diffusées en magasins par le revendeur afin qu'elles soient visibles pour le consommateur, avant qu'il effectue son achat.
Mais dans les faits, 60 % des 500 magasins (magasins physiques et e-commerces) auditionnés par 60 Millions de consommateurs et l'association Les Amis de la Terre se passent complètement de cet affichage obligatoire, mais non sanctionné par le décret s'appliquant aux produits mis sur le marché depuis le 1er mars 2015. Et lorsque les enseignes les affichent, ce geste n'est pas systématique et se fait rare lorsqu'il s'agit de certaines familles de produits. Les téléviseurs et les cafetières sont ainsi les plus touchés, les informations concernant les pièces détachées n'étant stipulées que dans 35 % des cas. Cette absence d'informations se vérifie également en regardant l'affichage de 50 % des aspirateurs et lave-linge observés dans le panel de l'enquête.
Chargée de campagne Modes de production et de consommation aux Amis de la Terre, Camille Leconte pose la question de la responsabilité des distributeurs, face à ces résultats. " Que faut-il conclure ? Que les distributeurs ne jouent pas le jeu d’orienter leurs clients vers les biens les plus durables ou réparables, ou que la grande majorité de nos biens ne sont pas réparables faute de pièces détachées ? Dans les deux cas, la logique de la surconsommation continue de primer ".
Cherchant des réponses à leurs questions, les Amis de la Terre et 60 Millions de consommateurs ont donc envoyé un questionnaire à 30 fabricants. Les plus investit dans la réparation de leur produit communiquent ainsi des durées de disponibilité des pièces de rechange allant jusqu'à 11 ans pour les lave-linge et les aspirateurs, 5 ans pour les téléviseurs et de 7 ans pour les cafetières. Ces informations resteraient-elles donc bloquées entre fabricants et distributeurs sans atteindre les clients ?
Complétant cette étude, l'association UFC-Que Choisir a réalisé une enquête mystère au sein de 18 enseignes, en choisissant 59 références de lave-vaisselle, lave-linge, réfrigérateurs et téléviseurs mis sur le marché après 2015 et dont la disponibilité de pièces détachées est avérée. Conclusion de l'enquête : si les distributeurs ont connaissance de l'existence des pièces détachées pour les produits qu'ils proposent en magasin ou sur internet, beaucoup se gardent de la divulguer. En effet, " seulement 4 enseignes sur les 18 enquêtées affichent systématiquement l'information sur la durée de disponibilité des pièces détachées ". Et lorsque l'existence de pièces détachées est notée, la durée de disponibilité est souvent absente ou noyée au milieu d'autres informations. " Plus étonnant, Darty et Expert, aussi bien dans les magasins physiques qu’en ligne, pratiquent un affichage à la carte avec une absence systématique de l’information sur certains équipements comme par exemple les téléviseurs ".
Pour UFC-Que Choisir, seul Boulanger fait ainsi office de bon élève quand E. Leclerc, Carrefour, Auchan et Conforama ont complètement fait l'impasse sur cet affichage. Comble, les hypermarchés se partagent pourtant une grosse part du marché de l'électroménager cumulant 40 % des parts de marché souligne les Amis de la Terre. S'accordant sur leurs revendications, ces 3 associations demandent au Ministère chargé de la consommation de modifier le décret relatif aux pièces détachées afin de rendre réellement obligatoire cet affichage et encourager les consommateurs à réparer leurs appareils, à défaut de les pousser à les jeter faute d'autres solutions préventives à l'obligation de reprise des appareils électriques et électroniques usagés. Par ailleurs, les Amis de la Terre continueront d'organiser, en parallèle, des opérations Carton Rouge en magasin afin de mettre en lumière ces lacunes informatives.
* Images extraites du site Les Amis de la Terre
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